Entre parenthèses – Semaine 1
Samedi 14 mars 2020
R.-P.
Cette fois, nous sommes entrés dans le dur. On ne parle plus de petite grippe. L’épidémie est là. Il est devenu nécessaire de changer la totalité de nos habitudes, de nos manières de vivre, de réfléchir.
Voilà qui paraît très simple et qui bien évidemment ne l’est pas.
J’ai donc décidé de tenir un journal de bord pour noter chaque jour quelques idées, impressions et informations qui émergent.
Je vais proposer à Monique d’en faire autant, d’écrire elle aussi, jour par jour, ce qu’elle éprouve et ce qui la fait réfléchir. J’espère qu’elle sera d’accord, j’espère qu’ainsi nous apprendrons, au fur et à mesure, quelque chose sur ce que cette étrange catastrophe nous fait vivre.
A dire vrai, je ne sais pas exactement pour quelle raison je souhaite tenir ce journal. Sans doute pour me rassurer. Ou bien pour ne pas perdre le fil. Pour tenter d’y voir, sinon clair, au moins quelques lueurs. Ou encore pour laisser, à ceux qui viendront plus tard, des bribes de témoignage, des fragments d’un temps qui s’annonce à la fois chaotique et décisif. Et qui est allé si vite…
Il y a seulement 2 mois et demi, très peu de temps, une dizaine de semaines, personne n’aurait pu imaginer. On fêtait l’arrivée de la nouvelle année. Parmi les nouvelles, dans quelques dépêches que nul ne remarquait, était signalé un virus, sur un marché, au cœur de la Chine. Aucune importance. C’était loin, circonscrit, inintéressant.
80 jours plus tard, il a fait le tour du monde, détraqué presque partout les bourses, le tourisme, le travail, et finalement bouleversé le quotidien de centaines de millions de personnes.
Depuis hier, j’ai décommandé tous mes rendez-vous. Nous avons fait livrer des provisions pour plusieurs semaines, et nous allons vivre à peu près constamment confinés, entre les informations, les lectures, de rares promenades, de la gymnastique quotidienne, des travaux d’écriture. Et ce journal, mêlant détails pratiques et tentatives d’analyse.
M.
Pour ceux qui, de par leur histoire ancienne, sont comme moi particulièrement sensibles à l’idée de danger, aux menaces, vitales, mortelles, ce virus s’est installé très vite comme une évidence. Sans effet retard.
Mais le fait d’être particulièrement réactive à son imminence ne diminue ni la crainte ni l’angoisse, ne permet nullement de maîtriser la peur. Cela permet juste d’anticiper. D’avoir fait très vite le choix de l’auto-confinement, sans attendre, deux bonnes semaines avant les mesures des autorités.
Accepter la puissance indomptable de l’aléatoire, l’inéluctable du calcul exponentiel, s’imposait. Septième sens ou simple réminiscence de peurs archaïques ?
Un banal rhume qui s’est déclenché à notre retour de Bruxelles prend soudain des allures inquiétantes. Je prends et reprends ma température, et traque chaque éter