« Star Wars », une épopée philosophique
« Star Wars » est bien plus qu’une affaire d’adolescents, d’amateurs de science-fiction, de jeux vidéo et d’effets spéciaux. On pressent depuis pas mal de temps que la gigantesque machine dit quelque chose d’important, à propos de nous et de notre temps. Mais quoi ? Quelle est la leçon de l’interminable saga où s’affrontent chevaliers Jedi et seigneurs Sith, côté lumineux et côté obscur de la Force, où s’entrelacent vieux mythes et technologies futures, Orient et Occident, humains et droïdes ? Elle ne dit, me semble-t-il, qu’une seule chose, de cent manières différentes : nous vivons désormais à la croisée des mondes et des temps, confrontés à la multiplicité des mythes et des cultures, des espèces et des formes de vie, des galaxies et des mégalopoles, des techniques et des sagesses…
La guerre traverse ce cosmos multiple, comme dans les épopées de l’Antiquité – qu’elles soient sumériennes, indiennes ou grecques. Plus encore qu’Asimov, Tolkien ou Herbert, ce sont Gilgamesh, Homère, le « Mahâbhârata », le « Râmâyana » qui survivent dans « Star Wars ». On retrouve dans le space opera les éléments -clés des superproductions antiques : un affrontement cosmique saturé de mythes, peuplé d’armes fantastiques, de créatures extraordinaires, de voyages périlleux. Chaque fois, l’enjeu est la perte ou le salut du monde, au terme d’une lutte sans merci, opposant les puissances qui détruisent aux vertus qui rassemblent. Le coup de maître de George Lucas, c’est d’avoir incrusté cette inspiration archaïque dans une représentation du futur, avec pour effet de suspendre le temps.
Biologiques ou mécaniques
En fait, tout, dans « Star Wars », paraît pris entre la prolifération de la diversité et sa neutralisation. En apparence, tout se diversifie. Les épisodes nous embarquent dans la multiplicité la plus déconcertante de paysages, de formes de vie, de styles de combat. De tous côtés surgissent des créatures jamais vues, biologiques ou mécaniques. Certaines sont antipathiques, comme les Neimoidiens verdâtres, d’autres exubérantes, comme le Wookie Chewbacca, attendrissantes comme les quasi-oursons Ewoks, ou bien énigmatiques comme les Jawas, dont on ne voit que les yeux de feu. Il en est de techno-malicieuses, comme R2-D2, de techno-obséquieuses comme C-3PO, etc.
On peut croire, alors, que c’en est fini de l’humanité close sur elle-même, rivée à sa Terre, autocentrée. Voici venu le temps de la pluralité des mondes, des relations nouvelles des humains avec des machines intelligentes, des aliens innombrables, des vies tout à fait autres. On s’attend donc à découvrir de l’inconnu, des sentiments déroutants, des comportements radicalement étonnants. Ce n’est pas le cas. Car le regard porté sur cet univers étendu est sans surprise. Tout y est comme d’habitude : le bien et le mal, l’amour et la haine, la loyauté et la trahison. Pas de dépaysement dans les sentiments ni dans les valeurs. L’anthropomorphisme tourne à plein régime et les gentils comme les méchants sont bien à leurs places habituelles. Les Jedi, éternels moines guerriers, templiers-samouraïs façon zen, rompus aux arts martiaux comme aux pouvoirs psychiques, sont syncrétiques et unitaires plutôt que surprenants.
Le secret de cette saga est donc simple : faire miroiter l’infinie diversité de l’Univers, multiplier étrangetés, surprises, découvertes, tout en garantissant que, dans le fond, tout demeure immobile, reconnaissable, familier. Dépaysé, le spectateur est en même temps rassuré. Il sait que ce monde déroutant qui l’entoure est animé des mêmes éternels sentiments que lui. Tout est différent, mais somme toute habituel. Telle est la limite de « Star Wars », mais aussi la clé de sa formidable puissance.
La physique selon » Star Wars «
Quelle est la taille de l’étoile de la Mort ? Le sabre laser est-il un gadget réaliste ? Autant de questions essentielles auxquelles a répondu Roland Lehoucq. Cet astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique et professeur à Polytechnique est aussi un passionné de science-fiction. Dans ses ouvrages de vulgarisation comme dans ses cours – quand ses élèves » dorment un peu « -, le scientifique a l’habitude de s’appuyer sur l’univers de » Star Wars » : » La SF est un prétexte, c’est un support amusant pour parler de science et montrer comment fonctionne une enquête scientifique « . Sachez ainsi que l’étoile de la Mort ferait environ 400 km de diamètre, soit l’équivalent d’un gros astéroïde de notre système solaire. Quant au sabre laser, il est difficilement réalisable, ne serait-ce que parce que sa puissance représente l’équivalent de trois centrales nucléaires…