« Dictionnaire du temps présent », sous la direction d’Yves Charles Zarka et Christian Godin
445 MOTS POUR DIRE LE MONDE ACTUEL
Pour le meilleur et le pire, Internet change la vie. Apprendre, parler, aimer, commercer, habiter, voyager (entre autres…) s’en trouvent bouleversés. Simultanément, la lutte contre le réchauffement climatique et la mise en œuvre de la transition énergétique modifient radicalement nos comportements comme nos manières de penser. A quoi s’ajoutent les métamorphoses multiformes qui gagnent la procréation, la parentalité, le genre, l’identité. Jamais, sans doute, dans toute l’histoire, les mutations ne furent à ce point rapides, nombreuses et diverses. Au point de laisser souvent désemparés – trop d’informations, trop peu de clés. Submergés d’innovations, nous sommes dépourvus de boussole.
Le volumineux Dictionnaire du temps présent, qui paraît tout juste, n’a évidemment pas la prétention de résoudre les crises en cours ni d’apaiser les tensions. Plus modestement, mais de manière fort utile, il propose de faire le point, en éclairant quantité de termes et de notions étroitement mêlés à ces chambardements : 445 mots, 65 collaborateurs, dix ans de travail et plus de 600 pages pour se repérer dans les tourbillons qui agitent la planète depuis une soixantaine d’années.
Des vocables nouveaux, forgés en fonction de réalités inédites – comme « drone », « anthropocène » ou « métavers » – voisinent avec des termes issus de l’informatique, tels que « cloud computing » ou « hacker ». Bien des mots anciens subsistent, mais avec des significations différentes, comme « patrimoine », « pornographie », « simulation » ou « viralité ». Les mots-clés de la finance mondialisée ne sont pas oubliés (« titrisation », « subprimes » e tuti quanti), pas plus que quelques termes rares, comme « iconorrhée », qui désigne le torrent d’images déferlant de toutes parts.
Un portrait indirect
Cet ouvrage polymorphe n’a pas seulement une évidente fonction informative et utilitaire. Il offre aussi un portrait indirect du puzzle mobile et déconcertant où nous vivons. Les agences de notation y côtoient le véganisme, la hantise de l’effondrement voisine avec la création des ressources, le terrorisme s’est installé dans l’horizon quotidien parallèlement à la vulnérabilité. Aucun de ces termes, pourtant, n’était en usage, avec le contenu que nous leur donnons, il y a seulement une génération.
Tous les articles sont signés. Ils sont généralement descriptifs, mais certains sont critiques. « Ecriture inclusive », « cancel culture » ou « woke », par exemple, soulignent les méfaits et dangers de courants qui malmènent les mots et les idées en prétendant les défendre. Leurs rédacteurs sont les deux philosophes maîtres d’œuvre de l’ensemble, Yves Charles Zarka et Christian Godin, auteurs connus, l’un comme l’autre, pour leurs œuvres abondantes et diverses.
Il est inévitable, dans ce vaste ensemble, de rencontrer des lacunes et des contributions inégales. Imaginer d’autres entrées, d’autres explications est toujours possible. Reste que le but – fournir un répertoire et un guide pour le temps présent – est ici parfaitement atteint. Les lecteurs concernés seront aussi divers que les questions abordées. Etudiant ou professeur, manageur ou syndicaliste, candidat aux législatives ou citoyen attentif à l’avenir n’ont pas à chercher plus loin le catalogue des problèmes à résoudre ni la carte de leur enchevêtrement. Avec les mots pour en parler.