L’éthique expliquée à tout le monde
Les débats sur l’éthique se multiplient, les argumentations prolifèrent. Mais on oublie, ou même on ignore, les points de départ et les lignes de force. J’ai voulu les rappeler, le plus simplement possible, avec le souci qu’on sache mieux de quoi on parle.
Présentation de l’éditeur
Tout le monde parle d’éthique. Affaires, sports, médias, médecine…, le terme concerne aussi la vie quotidienne.
Mais son sens demeure souvent obscur. Est-ce simplement la morale ? Ou l’invention de règles nouvelles ? Et qui doit réfléchir ? Des experts, ou bien chacun d’entre nous ?
Dans un style limpide, Roger-Pol Droit éclaire l’histoire du mot. Il met en lumière avec pédagogie les enjeux des croyances religieuses et des analyses philosophiques.
Depuis les sagesses de l’Antiquité jusqu’à la bioéthique de demain, les perspectives changent. Mais l’axe central demeure le même : le meilleur guide, pour l’éthique, c’est toujours le souci des autres.
L’éthique expliquée à tout le monde
Seuil (2009)
128 p.,
8 €
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Extrait
Tu parles de jugements moraux, du bien et du mal, des valeurs, etc. L’éthique, finalement, c’est pareil que la morale ?
Cette question a déjà soulevé de nombreux débats ! Le problème, c’est qu’il est aussi exact de répondre : « Oui, c’est la même chose » que : « Non, c’est différent. »
Comment sortir de là ?
Très simplement, car ce n’est pas au même étage, si je puis dire, que les deux termes sont semblables et qu’ils sont différents.
Commençons par l’étage où ils se confondent. On vient de le dire : les Grecs de l’Antiquité se servaient du terme « éthique » pour désigner ce qui concerne les comportements d’une collectivité ou d’un individu, ce qui est relatif aux mœurs, bonnes ou mauvaises, des êtres humains à un moment donné. Les Romains, à leur suite, ont fait la même chose dans leur propre langue, le latin. Pour traduire èthikè en latin, Cicéron a d’abord pris l’équivalent latin de èthos, c’est-à-dire mos, les mœurs, au pluriel mores. Pour exprimer « ce qui est relatif aux mœurs », il a inventé le terme moralia, c’est-à-dire « les données morales », construit sur le même modèle que èthikè.
Ainsi, « morale » dit en latin exactement la même chose que èthikè en grec. Ce sont deux mots parfaitement semblables, même s’ils sont forgés sur des racines différentes. « Morale » est bien la traduction, dans le latin classique, de ce que les Grecs nommaient « éthique ». A partir de ces fondements identiques, une série de domaines semblables se sont constitués : « éthique » et « morale » se préoccupent indistinctement des valeurs, et d’abord du bien et du mal, réfléchissent identiquement sur les fondements de ces distinctions, se demandent semblablement comment discerner, et comment appliquer, les règles fondamentales. Ces démarches se poursuivent en parallèle, dans une langue ou dans une autre.
Alors, d’où vient la différence ?
Il y a encore aujourd’hui des penseurs qui affirment qu’en fait il n’y a pas de vraie différence entre éthique et morale. Je crois, pour ma part, qu’il n’y a effectivement aucune coupure profonde et radicale entre les deux notions. Toutefois, une différenciation progressive s’est établie dans les usages des deux termes.
A l’époque moderne, on a souvent considéré que le terme « morale » pouvait être réservé au type de normes et de valeurs héritées du passé et de la tradition, ou bien de la religion. « Morale » s’est plus ou moins spécialisé dans le sens de « ce qui est transmis », comme un code de comportements et de jugements déjà constitué, plus ou moins figé. En ce sens, on accepte ou on rejette la morale de sa famille ou de son milieu, on suit les préceptes qui la caractérisent, ou bien on les transgresse. La morale semble constituer un ensemble fixe et achevé de normes et de règles.
Aujourd’hui, au contraire, le terme « éthique » s’emploie plutôt pour les domaines où les normes et règles de comportement sont à construire, à inventer, à forger au moyen d’une réflexion qui est généralement collective. Par exemple, l’avancement des techniques médicales crée à notre époque des situations totalement inconnues des générations précédentes. Il est devenu possible de pratiquer des fécondations in vitro, ou de faire en sorte qu’une femme, le temps de la grossesse, porte l’enfant d’une autre – ce qu’on appelle une « mère porteuse » – et le restitue après la naissance.
Face à ces situations inédites, on se demande s’il faut autoriser ou interdire ces pratiques, si elles sont bonnes ou mauvaises, dans quels cas, pour quelles personnes, à quelles conditions. Là, il faut élaborer des règles, les façonner, tenir compte de plusieurs points de vue, trouver éventuellement des compromis. Ce travail est celui de l’éthique, dans le vocabulaire contemporain.
En résumé, si l’on veut distinguer les deux termes, « morale » serait du côté des normes héritées, « éthique » du côté des normes en construction. « Morale » désignera principalement les valeurs existantes et transmises, « éthique » le travail d’élaboration ou d’ajustement rendu nécessaire par les mutations en cours.
Avis
Shelton sur Critiques Libres
C’est encore le moment d’en parler !?
L’été est fait pour lire, mais surtout pour trouver le temps de plonger dans des textes que l’on avait laissés de côté durant l’année, pris que nous étions par une multitude d’activités en tout genre… Comme beaucoup d’entre vous, j’ai appris que nous étions dans l’année de la bioéthique (du moins en France)… Que nous allions assister aux états généraux de la bioéthique… Que nous allions faire évoluer les lois de la bioéthique… Certes, mais qu’est-ce que la bioéthique ? ?C’est pour tenter de répondre à cette interrogation que j’ai cherché un ouvrage simple et accessible à tous, car, de toute évidence, la bioéthique nous concerne et autant en parler avant de subir le point de vue de ceux qui ont intérêt à nous imposer des règles sans nous demander notre avis !?Roger-Pol Droit, philosophe, écrivain, chercheur au CNRS, membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, a écrit un petit opuscule, très pédagogique et simple à lire, « L’éthique expliquée à tout le monde », aux éditions du Seuil. Petit format, petit prix et une centaine de pages, bref, tout pour nous tenter dans notre quête de savoir sur la bioéthique…?Dans la Grèce Antique, à l’âge d’or de la philosophie, on prenait le temps de débattre, de s’affronter verbalement, en poussant tous ses arguments, avant de prendre enfin une décision dont on savait, pourtant, qu’elle ne donnerait pas entièrement satisfaction. Une loi devait donc être précédée d’un débat éthique, c’est à dire d’une étude des comportements humains sur la question donnée. Mais très rapidement, on vit bien qu’il y avait deux façons de concevoir l’éthique : soit on se contentait d’observer les comportements avec le risque de transformer une loi en reflet de la mode du moment, soit cette démarche devait permettre de mieux se comporter !?Les Romains ont traduit éthique par morale. Au départ, les deux mots étaient identiques…?Mais quand les politiques, les philosophes et autres donneurs de leçons étaient tentés par la seconde version, ils exagéraient et créaient le moralisme. Ce dernier se fit de beaux jours de l’époque classique jusqu’au dix-neuvième siècle.?On vit, au cours du temps, les civilisations hésiter entre les deux versions, avec, pour chacune d’elles, des excès : oubli des valeurs fondatrices ou désincarnation de la loi trop éloignée de la vie des hommes…?Mais éthique est un mot qui laisse plus de place au débat. Aujourd’hui, il est utilisé chaque fois que l’être humain s’interroge : éthique des affaires, de la politique, du sport…?Devant les progrès étonnants des techniques et de la médecine, on fut obligé de créer un nouveau terme : la bioéthique… mais, aussi, de nouveaux débats…?Le gouvernement a choisi d’ouvrir une grande consultation, dans un esprit de dialogue républicain, avant de s’atteler, si besoin, à la préparation d’un nouveau texte législatif…?Mais, Roger-Pol Droit nous donne quelques éléments que nous ne devrions pas oublier : ces questions sont trop délicates pour les laisser seulement dans les mains des scientifiques… il n’y a pas de vérité absolue et il faut admettre qu’il puisse y avoir des points de vue différents… un bon dialogue vaut toujours mieux qu’une décision abrupte… le sens des autres, l’acceptation des points de vue qui diffèrent du notre… c’est cela l’éthique !?Excellent livre pédagogique que l’on peut lire à tous les âges et qui nous évitera, bien souvent, de proférer des sottises…
Le Point
Traduction
traductions en cours en espagnol, en bulgare, en roumain