Biographie. Diogène sans tonneau
« Ta renommée, l’éternité ne la détruira point. » Voilà ce que fit graver, au pied de la statue en bronze de Diogène (v. 413-v. 327 av. J.-C.), quelques années après sa mort, son disciple Philiscos d’Egine.
C’était il y a vingt-trois siècles et demi… et nous parlons encore, souligne Jean-Manuel Roubineau dans son excellente biographie, de ce philosophe énergumène qui refusait les conventions, vivait en mendiant et multipliait les provocations. Car ce « Socrate devenu fou », pour reprendre les mots de Platon, a si fort marqué les esprits que l’histoire occidentale n’a cessé de l’évoquer, voire de le réinventer.
Spécialiste d’histoire ancienne, auteur d’une étude sur Les Cités grecques (PUF, 2015), Jean-Manuel Roubineau retrace avec vivacité et précision le parcours atypique de Diogène – banquier à Sinope, en exil à Athènes, philosophe en acte. Il rectifie au passage quelques erreurs tenaces.
Une grande jarre
Le fameux tonneau n’est pas la moindre. Contrairement à ce qu’on répète depuis l’Empire romain, jamais Diogène n’a dormi dans un tonneau. Pour la bonne et simple raison que le récipient de bois cerclé de métal n’existait pas, en son temps, chez les Grecs ! C’est dans une grande jarre en céramique que se réfugiait Diogène.
En refusant les normes, il nous éclaire encore sur ce qu’elles sont. Et ses actions d’éclat ne sont pas simplement des façons de vivre. Des convictions philosophiques solides étaient ce mode d’existence. C’est pourquoi le cynisme fut une véritable école de pensée, comme l’ont montré les travaux décisifs de Marie-Odile Goulet-Cazé.
Conjuguant fine érudition et style accessible, le parcours proposé par Jean-Manuel Roubineau suit la vie de Diogène et sa postérité, depuis le temps d’Alexandre le Grand jusqu’à nos jours, dans ses différents registres. Instructif autant qu’agréable.